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1985: le bombardement du siège de l’OLP à Tunis

Il y a 31 ans, le 1er octobre 1985, dix avions de chasse F15 israéliens et deux Boeing 707 ravitailleurs bombardaient et détruisaient le quartier général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), installé à Hammam Chatt, à 25 km de Tunis. Un bombardement qui a tué 50 Palestiniens et 18 Tunisiens. Et déclenché une tempête diplomatique.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Appareils F15 volant au-dessus de la Méditerranée le 20 janvier 2015. Ce type d'avion a été utilisé pour bombarder le quartier général de l'OLP à Tunis le 1er octobre 1985. (AFP - Israeli Defence Forces)

En 1982, l’OLP s’était installée à Tunis après avoir dû quitter le Liban en raison de l’attaque israélienne sur Beyrouth. «Quelque peu réticente à accueillir les exilés, la Tunisie du président Habib Bourguiba avait finalement plié, notamment sous la pression des Etats-Unis», raconte La Libre Belgique.

Le raid israélien, baptisé «Opération Jambe de bois», est mené en quelques minutes, vers 11h. Les témoins entendent cinq explosions. «Des trois villas en bord de mer qui servaient de quartier général à l’OLP, il ne reste que des ruines. Des morceaux d’acier tordu et des blocs de béton ont été propulsés à des centaines de mètres», explique Huffpost Maghreb. Outre 68 morts, on dénombre une centaine de blessés. Les dégâts sont estimés à 6 millions de dollars.

Le président de l’OLP, Yasser Arafat, n’a pas été atteint par les bombes. Selon Huffpost, par un «heureux hasard», il se trouvait au moment du raid aux funérailles du ministre de la Défense tunisien, Abdallah Fahrat. La version du site tunisien businessnews.com varie. «En cette journée du 1er octobre, une réunion de la direction de l’OLP était prévue à Hammam Chott. Le Mossad était sûrement au courant de cette rencontre. Dans la matinée, Arafat, de retour d’un voyage au Maroc, avait été informé par ses renseignements qu’une imminente attaque le visait, lui et les dirigeants de l’OLP. Il était sur le chemin vers le lieu de la réunion, lorsque les bombardements ont commencé.» 

Officiellement, Israël a décidé l’opération après «une série d’attaques terroristes» menée à l’été 1985 contre des cibles le visant, rapportait en 2011 le site internet (en français) de son armée. «La dernière attaque (qui a entraîné la décision d’agir) fut l’assassinat de trois Israéliens sur un yacht ancré dans le port de Larnaca à Chypre, revendiqué par la Force 17 de l’Organisation de libération de la Palestine.» Le Premier ministre d’alors, Shimon Peres (mort le 28 septembre 2016), donne son feu fert pour «Jambe de bois». Le but, explique le ministre de la Défense Yitzhak Rabin, est de montrer qu’en frappant en Tunisie, l’OLP n’était «à l’abri nulle part» et que «Tsahal (l’armée israélienne) saurait toujours trouver et punir les responsables».

De ce raid, en Israël, on retient l’exploit technique d’avions et de pilotes visant une cible à plus de 2000 km de leur base. Du jamais vu depuis le raid d’Entebbe, en juillet 1976. Lequel avait permis de libérer une centaine d’otages israéliens et français retenus par des pirates de l’air palestiniens et allemands dans l’ancienne aérogare d’Entebbe en Ouganda.

Le 31 décembre 2000 à Tunis, Yasser Arafat rend hommage aux victimes du raid israélien de 1985. (Reuters Photographer)

Tensions avec les Etats-Unis
La Tunisie d’Habib Bourguiba est exaspérée. «Des manifestations de contestation s’organisent partout et un élan de solidarité se met en place», raconte businessnews.com. Une exaspération encore palpable aujourd’hui dans la presse tunisienne qui qualifie Israël d’«entité sioniste». «Cet évènement, à marquer d’une pierre noire dans l’histoire de notre pays, semble passer inaperçu», écrivait businessnews.com en 2015, à l’occasion du 30e anniversaire de l’opération.

Dans un premier temps, les Etats-Unis, pourtant alliés de la Tunisie, expliquent que «des représailles contre des attaques terroristes sont une réponse légitime et une expression d’autodéfense».

Fureur de Bourguiba, jusque-là «grand ami des Etats-Unis, d’une amitié presque aveugle», selon les termes d’un diplomate occidental cité au moment des faits par le Los Angeles Times. Et l’un des alliés arabes les plus proches des Américains. Un ami et un allié qui se sent d’autant plus trahi que la Tunisie a accepté d’accueillir l’OLP sur son sol à la demande des USA. Et que le ravitaillement des appareils israéliens a peut-être été «effectué avec l’aide de la base américaine situé en Sicile», selon businessnews.com. En clair, Washington a pu être tenu au courant du raid par Israël. Ce qu’ont catégoriquement démenti les deux pays.

Tunis, qui s’étonne de la position américaine «négative et inattendue vis-à-vis de l’agression», entend réagir très vivement. «Nous avions décidé de rompre les relations diplomatiques», racontera ultérieurement le ministre tunisien des Affaires étrangères de l’époque, Mahmoud Mestiri, cité par le Los Angeles Times. «Nous l’aurions fait si les Etats-Unis ne s’étaient pas abstenus lors du vote du Conseil de sécurité» de l’ONU.

Condamnation du Conseil de sécurité
Dès le 1er octobre 1985, son pays a porté plainte contre l’Etat hébreu devant les Nations Unies. Deux jours plus tard, le Conseil de sécurité vote la résolution 573. Laquelle «condamne énergiquement l’acte d’agression armée perpétré par Israël contre le territoire tunisien, en violation flagrante de la Charte des Nations Unies et du droit et des normes de conduite internationaux». Le texte estime par ailleurs que «la Tunisie a droit à des réparations appropriées comme suite aux pertes en vies humaines et aux dégâts matériels dont elle a été victime et dont Israël a reconnu être responsable».

Le président Habib Bourguiba le 15 novembre 1974 à Paris. (AFP - Pierre Guillaud)

La résolution a été adoptée par 14 voix contre 0. Et une abstention, celle des Etats-Unis, qui d’habitude opposent leur véto sur ce genre de texte. Pour la Tunisie, c’est une victoire diplomatique. Mais diplomatique seulement. Car jusqu’à aujourd’hui, aucune réparation n’a été versée. Par la suite, le locataire de la Maison blanche d’alors, Ronald Reagan, a prononcé quelques paroles d’apaisement, qualifiant Habib Bourguiba d’«homme d’Etat doué» et de «véritable ami» des Américains.

L’affaire en est donc restée là. Tunis et Washington, alliés depuis longtemps, savaient qu’ils ne pouvaient pas aller plus loin : les intérêts mutuels restaient trop importants. «D’un point de vue émotionnel, la rupture des relations avec les Etats-Unis aurait rendu Bourguiba populaire (dans l’opinion tunisienne). Mais politiquement, cela n’aurait eu aucun sens», expliquait en 1985 un diplomate occidental, cité par le Los Angeles Times.

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