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Burkina-Faso: le procès du putsch pour ancrer l’Etat de droit

Mardi 27 février 2018 s’ouvre à Ouagadougou le procès du putsch manqué de 2015. C’est un moment fort pour le Burkina Faso, un test pour la justice du pays qui y joue sa crédibilité. La personnalité des accusés explique l’importance du procès. Car parmi les 84 prévenus figurent deux généraux, Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, cerveaux présumés du coup d'Etat.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
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Des manifestants brandissent des pancartes le 23 septembre 2015 à Ouagadougou. 
 (AFP/SIA KAMBOU)

En tout, ils sont 84 à comparaître devant le tribunal militaire, installé pour l’occasion dans la  salle des banquets du quartier Ouaga 2000, au sud de la capitale. Mais incontestablement, deux hommes vont surtout attirer l’attention. Ceux que l’accusation présente comme les chefs du soulèvement. Deux nostalgiques du régime déchu de Blaise Compaoré, renversé par la rue en 2014, après 27 ans de pouvoir sans partage.

Premier d’entre eux, le général Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier du président Blaise Compaoré. A ses côtés comparaîtra le général Djibrill Bassolé, ancien chef de la diplomatie, poursuivi pour «trahison».
 
Retour sur les faits
 Le 16 septembre 2015, onze mois après la chute de Blaise Compaoré, chassé par la rue, des soldats tentent de prendre le pouvoir. Il s’agit des hommes du régiment de sécurité présidentielle, le RSP, garde prétorienne de Compaoré. Ils essayent, en vain, de renverser le gouvernement de transition mis en place après l’éviction de Compaoré.

En fait, au bout d’une semaine, les putschistes rendent le pouvoir au gouvernement de transition. Ils signent avec les troupes loyalistes un accord d’apaisement afin d’éviter les affrontements. Le RSP retourne dans sa caserne. Mais la parenthèse a été sanglante. Au moins dix manifestants ont été tués et des dizaines d'autres blessés en une semaine.
 
«Grand déballage»
Le général Diendéré n’a jamais fui ses responsabilités. Dès sa reddition, il s'est dit prêt à répondre de ses actes: «Je n’ai pas peur (de la justice). J’assumerai pleinement ma responsabilité. (…) Cela veut dire que je ne vais pas nier qu’il y a eu des morts lors de ces évènements et je répondrai éventuellement aux questions lorsqu’on me les posera.»

A quelques jours du procès, on le dit très combatif. Entouré de cinq avocats, «il est prêt pour ce procès, prêt pour un grand déballage», a déclaré un proche à l’AFP. Selon l’agence de presse, qui cite des sources judiciaires, le général Diendéré a demandé que des hauts responsables de l’armée puissent comparaître comme témoins, de même que l’actuel président Roch Marc Christian Kaboré et l’ancien président de la transition Michel Kafando.

Le ton des futurs débats est donné par le co-accusé, Djibrill Bassolé, dans un entretien accordé au quotidien Le Pays. «Trop de décisions iniques et arbitraires ont été prises à mon encontre en violation flagrante de mes droits pour que je fasse confiance à la justice militaire».
 
Un procès test   
Du côté des parties civiles,  la simple tenue du procès est en soi une satisfaction. «Beaucoup de dossiers, dans ce pays, n’ont pas connu cette chance. Même après deux ans et demi… Nous trouvons que c’est une avancée considérable», a déclaré Honoré Sawadogo, le président de l’association des blessés du coup d’Etat du 16 septembre (ABCE 16).

Mais les victimes veulent aussi des résultats. «Nous attendons que la lumière soit faite, la vérité dite et que les réparations et indemnisations aux parents des martyrs et aux blessés soient faites. Nous sommes sortis lors de l’insurrection populaire et avons demandé l’indépendance de la Justice. Elle l’a eue et nous devons la laisser faire son travail», a ajouté le président lors d’une conférence de presse à Ouagadougou, le 22 février 2018.
 
L’ordonnance de renvoi comporte plus de 15.000 pages. C’est un procès marathon prévu pour durer plusieurs mois.

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