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Caraïbes: Trinité-et-Tobago, un vivier de recrutement pour Daech

Il est communément admis qu’un grand nombre d'étrangers ont rejoint les combattants de Daech au départ de Tunisie, de Grande-Bretagne, de France ou de Russie… On sait moins qu’une trentaine d'hommes et leurs familles ont quitté Trinité-et-Tobago pour la Syrie et l’Irak. Aujourd’hui, le gouvernement de ce pays des Caraïbes craint le retour de ces djihadistes.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Dans une vidéo de propagande de Daech, un Trinidadien se faisant appeler Aboud Khaled remercie Dieu de l'avoir guidé vers le djihad. (Capture d'écran d'une vidéo de propagande de Daech)

«Avec une population de seulement 1,3 million d’habitants, Trinité-et-Tobago se classe parmi les pays au plus fort taux par habitant de citoyens partis combattre pour l’Etat islamique», précise le site Middle East Eye. Alors même que seulement 5 à 8% des Trinidadiens sont musulmans, le pays se situe au 14e rang par habitant des plus grands fournisseurs de combattants étrangers pour Daech en Syrie et en Irak.

Mosquée de la Jamaat al Muslimeen à Port of Spain, la capitale de Trinité-et-Tobago. (AFP PHOTO / MJB HINKSON)

Début août 2016, neuf de ces combattants «ont été appréhendés par les autorités turques alors qu’ils étaient en route pour rejoindre l’Etat islamique en Syrie», avait alors annoncé dans le Daily Express le procureur général de Trinité Faris Al-Rawi, se référant au journal turc Daily Sabah.

Le site Loophaïti indiquait en novembre 2015 que le criminologue Trinidadien Daurius Figueira, spécialiste de la tentative de coup d'Etat islamique mené par la Jamaat al-Muslimeen en 1990 et son chef Abu Bakr, notait «la propagation de l'islam radical à Trinité-et-Tobago et que ce pays était un vivier de recrutement pour l’Etat islamique». Et le site de poursuivre: «L'ONU a également averti que Trinité est utilisée comme terrain de recrutement pour cette organisation terroriste.»

Selon War on the Rocks, «les racines de l'Islam radical en Trinité ne proviennent pas des Indo-Trinidadiens, mais plutôt des communautés des descendants d'esclaves afro-trinidadiens», qui représentent quelque 2,5% de la population afro-trinidadienne totale.

Yasin Abu Bakr, chef du groupe Jamaat al Muslimeen, qui a tenté un coup d'Etat à Trinité-et-Tobago en 1990. Lequel avait déclenché six jours de chaos dans la capitale Port-of-Spain.  (Photo AP / David)

La baisse des prix du pétrole (40% du PIB du pays et 80% de ses exportations) et la mauvaise gestion du budget par des institutions corrompues contribuent à l’augmentation du chômage, notamment celui des jeunes. Certains d'entre eux trouvent dans la délinquance ou l’islam radical, notamment, des alternatives à la misère.

Les Américains sur le qui-vive
Le 27 novembre 2015, le Trinidad Newspaper écrivait que «les autorités de Trinité-et-Tobago ont avoué que 89 de leurs ressortissants se trouveraient actuellement en Syrie. Parmi eux, 35 ont déjà perdu la vie dans les combats qui opposent Daech aux autres belligérants. Le ministre de la Sécurité travaille actuellement sur une loi afin de contrôler ceux qui pourraient revenir au pays.»

Dans ce contexte, à l’instar de la plupart des gouvernements craignant le retour de ces djihadistes, celui de ce pays caribéen, aux frontières poreuses et sans moyens militaires, doit faire face à un défi sécuritaire.

Trinité-et-Tobago est situé à seulement 11 kilomètres des côtes vénézuéliennes. Et il ne faut pas exclure la possibilité pour un individu radicalisé de se rendre aux Etats-Unis, via le Venezuela en suivant la route de la contrebande de drogue, pour y commettre un acte terroriste.

Une vidéo évoque la corruption, la drogue et la violence à Port of Spain, la capitale

Les Américains le savent et pour 2017, l'Initiative pour la sécurité dans les Caraïbes (lancée initialement en 2009 pour aider les Etats caribéens à lutter contre le trafic et l’importation de drogue aux USA, notamment) pourrait se voir allouer 48,4 millions de dollars. Une partie de ce fonds devrait contribuer à assurer la sécurité à Trinité-et-Tobago.

En 2014, le gouvernement trinidadien a signé un accord avec l’ONU et 104 autres pays pour empêcher que ses ressortissants ne rejoignent les rangs de Daech. Il consiste en un échange d’informations pour mieux surveiller les mouvements de suspects et le financement des filières terroristes. Son but avoué étant là encore d’empêcher le retour des djihadistes dans leurs pays d’origine ou vers les Etats-Unis.

«Ces Trinidadiens auraient été rejoints par d'autres Caribéens, venant cette fois d'Haïti, de la Barbade, de la Jamaïque, des Iles Caïmans, du Venezuela, du Suriname, mais aussi des Antilles Françaises (en nombre limité)», indiquait encore le Trinidad Newspaper. Information corroborée par le site la1re, selon qui en 2015, «les autorités françaises considéraient que la Caraïbe pouvait devenir une zone de repli potentiel, d’entraînement ou de recrutement de djihadistes».

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