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Dans la Libye en plein chaos, le retour d’un Kadhafi est-il possible?

Dans une Libye en pleine dislocation, l’annonce (le 10 juin 2017) de la libération du fils de Mouhamar Kadhafi, Seif al-Islam, six ans après la mort de son père, pourrait modifier la donne et fournir un nom sur lequel pourraient s’entendre les différentes factions libyennes en lutte. Reste à savoir si l’annonce de cette libération (il y a déjà eu des annonces similaires) est confirmée.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Seif al-Islam Kadhafi en 2011. (IMED LAMLOUM / AFP)

La libération de Seif al-Islam, le dauphin programmé de Mouammar Kadhafi avant la révolution de 2011, est un feuilleton journalistique. En mars 2017 déjà, un site internet annonçait sa libération tandis qu’en juin 2016, Le Monde titrait «Saïf Al-Islam Kadhafi, libre et convoité». Cela montre en tout cas que le nom de Kadhafi reste important dans un pays qui n'a pas de régime stable depuis le renversement du colonel Kadhafi par les forces de l'Otan en 2011.



Arrêté par des milices en 2011 puis condamné à mort en 2015, Seif al-Islam est le fils le plus en vue de Mouammar Kadhafi. Il a, semble-t-il, été libéré le 10 juin dernier par les hommes qui le détenaient, des rebelles de Zenten, à 170 km au sud-ouest de Tripoli. La Brigade Abou Bakr al-Sadiq, l'un des groupes armés contrôlant la ville de Zenten (170 kilomètres au sud-ouest de Tripoli), a affirmé que Seif al-Islam a été libéré le vendredi soir, «correspondant au 14 du mois de ramadan», en application d'une loi d'amnistie promulguée par le Parlement établi dans l'est du pays. 

Cependant, pour l'heure, on ne sait pas où pourrait être le fils Kadhafi même si selon le chercheur Hasni Abidi cité par RFI, Saïf al-Islam a peu de choix et a très probablement trouvé refuge à l'Est. «Or Benghazi est encore la proie des combats entre islamistes et forces pro-Haftar. Il reste donc deux grandes villes: Tobrouk et al-Baida, ville de la tribu de sa mère, et où se trouvent plusieurs de ses oncles », a-t-il expliqué sur cette radio.

En 2011, la Cour pénale internationale avait lancé à son encontre un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité. Elle l'accuse d'avoir joué un rôle-clé dans la mise en oeuvre d'un plan conçu par son père visant à «réprimer par tous les moyens» le soulèvement soutenu par l’Otan. Mais la demande internationale est restée lettre morte, le fils du guide libyen ayant été jugé et condamné sur place. Un procès qui, selon le rapport de la Mission d'appui de l'ONU en Libye (MANUL) et du Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCDH), «n'a pas respecté les normes internationales en matière de procès équitable». 

Peintre, architecte, réformiste...
Né le 25 juin 1972 à Tripoli, le «Glaive de l'Islam» -son nom en arabe- n'occupait pas de fonction officielle proprement dite à l’époque de son père mais a représenté plusieurs fois la Libye dans le cadre de négociations internationales. C'est notamment lui qui est intervenu lors des accords d'indemnisation des familles des victimes des attentats de Lockerbie en 1988 et du DC-10 d'UTA en 1989. L’ancien jet-setter, architecte et également titulaire d’un MBA en économie et management obtenu en Autriche, peintre à ses heures, qui était à la tête de la puissante «Fondation internationale Kadhafi», avait un temps symbolisé aux yeux des Occidentaux la possibilité d'une ouverture du régime. Il s'était en effet déclaré en faveur de réformes, mais lors de la guerre civile, il s'était engagé en faveur de la défense du système mis en place par son père.

Plongé dans le chaos depuis la chute du colonel Kadhafi en 2011, le pays est divisé en (au moins) deux camps. Le gouvernement d'entente nationale (GNA) de Tripoli (ouest), reconnu par l'ONU, est contesté par les forces du maréchal Khalifa Haftar, loyales à un gouvernement rival dans l'est de la Libye. Le groupe qui détenait Seif al-Islam serait d'ailleurs en froid avec le GNA... 

Résultat, certains imaginent déjà que le fils du colonel Kadhafi puisse servir de recours dans le pays. Un nom qui pourrait unir l'Est et l'Ouest de la Libye à l'heure où les puissances occidentales, pourtant soutien théorique du GNA (à l'Ouest), semblent se tourner de plus en plus... vers le maréchal Haftar (à l'Est), soutenu par l'Egypte. 

Un Kadhafi comme compromis ?
«Saïf al-Islam Kadhafi s'adressera prochainement à la nation et à la communauté internationale avec un appel à mettre un terme à la guerre intestine qui secoue la Libye depuis six ans», écrit Sputnik, le site russe, souvent présenté comme un moyen de propagande du Kremlin.
 
Le média russe précise que selon un proche du fils Kadhafi, «dans son discours, il appellera les Libyens à l'union afin de mettre un terme à l'anarchie et à la guerre intestine qui ronge le pays pour reformer la patrie et reconstituer son intégrité territoriale, pour déposer les armes, mener une réforme des institutions, mettre en place un État de droit».

«Seïf Al-Islam pourrait être un challenger sérieux dans la lutte pour le pouvoir que se mènent Fayez el-Sarraj et Khalifa Haftar», écrivait déjà en mars dernier La Tribune. Le clan Kadhafi possède encore des soutiens dans le pays et il pourrait s'allier avec les forces de l'Est du pays pour reprendre Tripoli. 

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