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Des élevages de lions destinés à la chasse en Afrique du Sud

La mort du lion Cecil, pensionnaire emblématique du parc Hwange au Zimbabwe abattu en juillet 2015 par un chasseur, a relancé le débat sur les safaris en Afrique. Les réseaux sociaux regorgent de publications indignées, dénonçant des pratiques de chasse aux animaux sauvages. Pourtant beaucoup de ces animaux sont élevés.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
  (Dominique Delphino/Biophoto/AFP)

Des fauves, chassés et tués qui ne sont pourtant plus si sauvages que ça. En Afrique du sud, comme on le fait pour les faisans en Europe, des lions sont élevés afin d’être abattus lors de safaris. Des bêtes de tir livrées aux fusils de riches chasseurs occidentaux. Que les Britanniques appellent «canned hunting», une chasse en conserve.
 
Selon le journal Le Guardian, il existe plus de 160 fermes en Afrique du Sud qui élèvent légalement des fauves. Ainsi, il y aurait deux à trois fois plus de lions en cage (5 à 8000 selon les sources) que vivant en liberté dans le pays où Ils ne sont plus que 2000.

31 000 euros le lion  
Lorsque l’animal est adulte, il est sorti de sa cage pour être placé dans une vaste zone fermée, où il va passer quelques heures avant de tomber sous les balles (ou parfois la flèche d’une arbalète) d’un chasseur. Tout ceci est on ne peut plus légal. Il en coûtera au richissime chasseur jusqu’à 25.000 livres sterling (31.000 euros) par animal abattu.
 
Car bien sûr, derrière tout cela, il y a un sérieux enjeu économique. Les éleveurs sont peu loquaces sur le devenir des lions élevés en cage. Selon eux, les animaux sont relâchés dans des zones de safaris photo et ne sont jamais tirés. 5 à 8000 lions élevés pour des safaris photos, cela fait beaucoup ! D'ailleurs, à la ferme de Bona Bona dans le centre du pays, où aucun fauve n’est tiré, on estime que 10% des fauves d’élevage d’Afrique du Sud sont chassés.
 
Autre élément à charge, le nombre de trophées exportés du pays ne cessent d’augmenter, alors que le tir d’animaux sauvages dans les réserves est interdit. Selon le Guardian, on est passé de 1830 trophées de lions tirés en 2006 à 4062 en 2011. En hausse de 122%.

Une enquête qui dérange 
Selon Bruce Young et Nick Chevallier les auteurs du documentaire «Blood lions», le nombre de lions tués serait de 800 chaque année en Afrique du Sud. Les auteurs le reconnaissent, il est difficile d’avoir des données fiables sur la pratique, d’où des chiffres contradictoires. Mais l’élevage ne cesse de se répandre et les auteurs estiment que le nombre de fauves élevés dans des fermes atteindra 15000 en 2020. La pratique s'est répendue au Zimbabwe voisin, où là aussi il est interdit de tirer les animaux dans les réserves nationale, mais pas dans les parcs privés.


Un bien ou un mal pour la vraie faune sauvage ?
Clairement, la pratique du «canned hunting» n’est pas une mesure de protection de la faune. Aucun animal n’est né en captivité. Il est retiré à la vie sauvage dès sa naissance et donc élevé au biberon par les humains, servant de peluche vivante dans certains lodges. La mère qui ne nourrit plus son petit redevient fécondable plus rapidement, raccourcissant un cycle naturel.
 
L’animal ne retournera jamais à la vie sauvage. Adulte, il sera relâché quatre jours avant le jour de chasse dans une vaste zone dédiée et cloturée. Il n'a aucune chance d'échapper au fusil du chasseur.
 
Autre conséquence importante aux yeux de ses détracteurs, cette chasse sauvage a attiré de nouveaux chasseurs en raison de son coût relativement moins dissuasif. Ainsi, pour tuer Cecil, un vrai lion sauvage, le chasseur américain a du débourser 50.000 euros. Or, un trophée d’un fauve issu d’élevage ne dépassera pas 30.000 euros pour un mâle, moins de 4000 euros pour une lionne.

Selon les opposants à cette chasse, il se crée ainsi toute une nouvelle génération de chasseurs. Ceux-ci pourraient ensuite se tourner vers des trophées issus de la vie sauvage, des animaux ô combien plus difficile à tuer et bien plus prestigieux.
 

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