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Djihadistes déchus: le repli sur l’Afrique inquiète le président du Sénégal

Ils sont plusieurs milliers à fuir l’Irak et la Syrie où le groupe Etat Islamique a été défait par les forces de la coalition internationale. Où vont se diriger les djihadistes déchus? Vers le continent africain, considéré comme le ventre mou, redoute le président sénégalais Macky Sall. Il tire la sonnette d’alarme.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des soldats syriens, armés de mitrailleuse, avancent sur le front d'Alep le 11 novembre 2017. Le groupe Etat Islamique a abandonné la plupart de ses positions dans les zones qu'il avait conquises en Syrie. (Photo AFP/George Ourfalian)

Le président Macky Sall ne mâche pas ses mots pour mettre en garde contre la menace djihadiste qui plane sur le continent africain. Alors que le Moyen-Orient se débarrasse de Daech et de ses bases installées en Irak et en Syrie, c’est vers «des territoires faciles» que les terroristes vont trouver refuge. 

«Voyez le Sahel avec toutes les zones de trafics de tous genres. Ensuite, la Somalie. Donc si on n’a pas les réponses appropriées, fortes évidemment, tout ce qui a été défait au Moyen-Orient va se retrouver encore sur l’espace sahélo-saharien», a déclaré le président Macky Sall, en marge du Forum sur la paix et la sécurité qui se tient à Dakar.

Dans une interview accordée à RFI, le chef de l’Etat sénégalais appelle à une réponse globale de la part des partenaires de l’Afrique «qui est prête aussi à se mettre à niveau».

En janvier 2016, le Sénégal avait procédé à l’interpellation de 900 personnes alors que des Sénégalais reconvertis en djihadistes avaient investi les réseaux sociaux. Certains avaient quitté le pays pour s’installer à Syrte, en Libye, d’où ils appelaient au djihad en s’affichant fièrement avec leurs fusils d’assaut.

Des djihadistes sénégalais s'affichent avec leurs armes sur le site SeneNews. Certains d'entre eux n'hésitent pas à appeler à la guerre sainte dans leur pays.  (Capture d'écran du site SeneNews)

«Ils ont une idéologie, c'est la destruction»
Le Sénégal avait lancé un sévère avertissement aux imams radicaux qui faisaient l’apologie du terrorisme. Face au péril qui s'annonce avec le retour de ces milliers de djihadistes qui fuient le Moyen-Orient, le président Macky Sall appelle à la mobilisation.

«Ils ont une idéologie, c’est la destruction. Donc, il faut que l’Afrique ne serve pas, ne soit pas le ventre mou de la lutte contre le terrorisme international. Je vois que nos partenaires aussi le comprennent très bien et travaillent avec nous. Et c’est cela l’objet du Forum de Dakar», a-t-il confié à RFI.

Pour le président Macky Sall, la meilleure manière de combattre les terroristes, c’est de les affronter, d’exclure tout dialogue avec eux, car on ne dialogue pas avec des bandits.

«Ces bandits ne connaissent ni la religion, ni rien du tout. Ils ne sont mus que par un esprit de faire du mal. Ils tuent des bébés, des femmes. Nous serons intransigeants dans la lutte contre ces groupes armés. Il n’y aura pas de laxisme sur le travail que nous mènerons contre les djihadistes», avait-t-il martelé lors de la conférence internationale sur l’islam et la paix tenue à Dakar en juillet 2015.

Le Sénégal est loin d’être le seul pays à exprimer son inquiétude. La polémique sur la question du retour des djihadistes a suscité de grandes craintes en Afrique du Nord et en Tunisie notamment. Certains Tunisiens ne veulent pas entendre parler de ces djihadistes partis à l’aventure. Ils sont descendus dans la rue pour le signifier aux autorités.

Des Tunisiens manifestent contre un éventuel retour des djihadistes tunisiens en provenance du Moyen-Orient en décembre 2016. (Photo AFP/ Fethi Belaid)

La Tunisie et le Maroc en première ligne
La Tunisie compte à elle seule plus de 5000 ressortissants dans les rangs d’organisations djihadistes à l’étranger, notamment en Irak, en Syrie ou encore en Libye. De nombreux Tunisiens redoutent leur retour au pays malgré les déclarations rassurantes des autorités.

La question se pose aussi au Maroc qui compte quelques 1600 djihadistes ayant rejoint les rangs de l’Etat islamique. Pour une partie de l’opinion marocaine, il faut refouler ces terroristes, traîtres à la nation et à la religion dont le retour au pays ne signifie nullement l'abandon de l’idéologie extrémiste.

Mais pour d’autres, refouler ces terroristes reviendrait à leur déclarer, ne serait-ce-que implicitement, la guerre et s’exposer de surcroît à leurs ripostes hostiles.

Que ce soit en Afrique du Nord ou dans la grande région sahélo-saharienne, déjà confrontée à l’insécurité grandissante, la question du retour des djihadistes chassés du Moyen-Orient ne laisse personne indifférent.

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