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Données cryptées: la France et l'Allemagne en appellent à l'UE

La France veut s’attaquer au système des données cryptées en lançant avec l’Allemagne «une initiative européenne» à vocation internationale. Les deux gouvernements ciblent notamment le réseau Telegram, très prisé par les groupes terroristes djihadistes pour sa confidentialité.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le chiffrement des messages est «une question centrale dans la lutte antiterroriste», selon le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. (Frank Duenzl / picture alliance / DPA)

Le débat sur le chiffrement des messages sur des applications comme Telegram ou Whatsapp est ravivé après chaque attentat. «C'est une question centrale dans la lutte antiterroriste, beaucoup des messages échangés en vue de la commission d'attentats terroristes le sont désormais par des moyens cryptés», affirmait dès le 11 août 2016 Bernard Cazeneuve, à l’issue d’un conseil de défense à l'Elysée. Le ministre français de l’Intérieur soulignait alors «la nécessité d'y faire face au plan international parce que ce n'est pas un pays seul qui peut prendre des initiatives».

Douze jours plus tard, la question des données cryptées était au cœur des discussions entre le ministre français et son homologue allemand, Thomas de Maizière, à Paris. Les deux gouvernements ont demandé le 23 août à la Commission européenne un encadrement juridique de ces réseaux  de messagerie électronique chiffrée.

Telegram dans le collimateur
Dans leur collimateur, il y a notamment l'application Telegram, régulièrement utilisée par des membres de l'Etat islamique. L'un des meurtriers du père Jacques Hamel dans une église de Saint-Etienne-du-Rouvray, communiquait avec ses contacts via Telegram. Créée par les frères Durov, cette messagerie est utilisée partout dans le monde permettant de partager, dans un temps restreint, textes, vidéos et messages vocaux dont les données sont chiffrées de bout en bout.

CommeTelégram, les messageries Whatsapp (filiale de Facebook), Viber, iMessage sont très prisées des groupes djihadistes dont l'EI, et sont devenues le cauchemar des services antiterroristes impuissants face à un chiffrement dont seul l'utilisateur est détenteur de la clé.

Levée de bouclier du Cnnum et de la Cnil
Mais l'accès aux données cryptées sur les smatphones ne séduit pas la commission nationale de l'Informatique et des Libertés (Cnil). Dans une tribune publiée le 22 août dans Le Monde, sa présidente Isabelle Falque-Pierrotin appelle le gouvernement à ne pas se tromper de cible dans la lutte anti-terroriste, estimant que «chaque jour, le chiffrement protège des milliards d'individus contre des cybermenaces qui se font toujours plus redoutables.»

«C'est grâce au chiffrement  que nous pouvons effectuer un virement bancaire en toute sécurité», note-t-elle. «C'est grâce au chiffrement que nous pouvons stocker nos données de santé dans un dossier médical partagé (DMP) en ligne. C'est également grâce à cet outil que les investigations sur les Panama Papers ont été possibles», poursuit-elle dans son texte cosigné par le Conseil national du Numérique (Cnnum) dont les avis ne sont que consultatifs.

Apple et Google renforcent la sécurité
Les autorités américaines avaient demandé en vain au géant Apple de débloquer le téléphone d'un des auteurs de la fusillade de San Bernardino, en Californie, qui avait fait 14 morts en décembre 2015. Elles étaient finalement parvenues par elles-mêmes à accéder aux données de l'iPhone du suspect. Nombre de groupes technologiques et de défenseurs des libertés civiles argumentent toutefois qu'avoir un «accès spécial» pour la police créerait des failles susceptibles d'être exploitées par des pirates informatiques ou des régimes autoritaires.

En avril, un rapport de l'Itif (Information Technology and Innovation Foundation), un centre de réflexion de Washington, a évoqué «l'un des dilemmes politiques les plus difficiles de l'ère numérique, dans la mesure où le cryptage à la fois améliore la sécurité (des données) pour les consommateurs et les entreprises, et rend plus difficile pour les gouvernements de les protéger contre d'autres menaces». «Il n'y a aucun moyen de résoudre la quadrature du cercle, n'importe quel choix s'accompagnera donc d'un compromis», a prévenu l'Itif.

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