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Etats-Unis : l’«emailgate», le boulet électoral d'Hillary Clinton

Hillary Clinton a fait un usage exclusif de sa boîte électronique personnelle pour traiter des affaires de l’Etat pendant qu’elle était à la tête de la diplomatie américaine. Cette «erreur», qu’elle a récemment reconnue, mine ses ambitions présidentielles.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Hillary Clinton, alors secrétaire d'Etat (en fucshia), jette un coup d'oeil à son mobile alors qu'elle assiste à une réunion sur le sida à Busan (Corée du Sud) avec son homologue sud-coréen Kim Sung-hwan (au premier plan) le 30 novembre 2011. ( AFP PHOTO / POOL / Saul LOEB)

Hillary Clinton n’aurait jamais imaginé que la gestion de sa correspondance électronique en tant que secrétaire d’Etat constituerait un sérieux handicap dans sa course à la magistrature suprême en 2016.

Une «erreur», désormais lourde de conséquences
Après avoir déclaré à maintes reprises qu’elle n’avait rien à se reprocher, notamment parce que le serveur utilisé répondait aux normes de sécurité les plus exigeantes puisque paramétré pour son mari de président, elle s’est finalement excusée. «C'était une erreur. J'en suis désolée et j'en assume la responsabilité», a-t-elle déclaré dans un entretien diffusé par la chaîne ABC le 8 septembre 2015.

«Le scandale des emails d'Hillary Clinton, à l’instar des scandales politiques de notre époque, fait l’objet d’un traitement qui s’apparente à celui du Watergate», soulignait dans un billet publié sur le site de l’agence Reuters l’avocate américaine Suzanne Garment. Pour la juriste, l'affaire focalise, d'une part,  l’attention des journalistes et des membres du congrès et, d'autre part, met en branle «des moyens d'investigation, hérités de Nixon et du Watergate, par le système politique américain».

Le Bureau fédéral d’enquête (FBI) est effectivement en charge du dossier. En août 2015, Hillary Clinton a enfin consenti à remettre le serveur incriminé à la police fédérale. Ce que réclamait ses adversaires républicains depuis les révélations du New York Times dans un article daté du 2 mars 2015.

Des courriels «sensibles» a posteriori
Entre 2009 et 2013, alors que la favorite de l’investiture démocrate pour la présidence était secrétaire d’Etat, elle a fait exclusivement usage de son email personnel dans le cadre professionnel. Tout en reconnaissant les faits en mars 2015, elle a souligné que les règles en vigueur au département d’Etat ne le lui interdisaient pas et qu’elle n’a pas eu de correspondance sensible à partir de son compte personnel. Ses prédécesseurs, à l’instar de Colin Powell, avaient la même pratique mais c’est l’utilisation exclusive d’une adresse privée qui pose problème.

Surtout aux républicains, majoritaires au Congrès, qui y voient l'incarnation de son manque de transparence et une mise en danger de la marche de l'Etat. Selon un organisme gouvernemental, indique l'AFP, «au moins quatre courriels partis du compte personnel de l'ex-secrétaire d'Etat contenaient des informations secrètes». Par ailleurs, «environ 150 ont été rétroactivement classifiés (mi-août) en raison de contenus sensibles pour la sécurité nationale». 

La sénatrice Hillary Clinton au Capitol, à Washington DC, le 13 mai 2008 pendant la course à l'investiture démocrate.  (AFP PHOTO / TIM SLOAN)

Pour faire face à la polémique, Hillary Clinton a mis à la disposition du département d'Etat les mails concernés en décembre 2014 tout en prenant soin de supprimer ceux qui, selon elle, relevaient du domaine privé. Sur 62.320 courriels reçus ou envoyés depuis une boîte email privée (clintonemail.com), 30.490 ont été ainsi restitués et 31.830 emails ont été effacés. Le ministère américain de la Justice vient néanmoins de donner raison à Hillary Clinton face à Judicial Watch, une organisation américaine conservatrice qui réclame l’accès à l’intégralité de sa correspondance, y compris les courriels supprimés. Mais selon le Washington Post, la firme qui gère le serveur incriminé affirme que les mails effacés peuvent être restaurés.

Les députés républicains sont particulièrement intéressés par les échanges relatifs aux attentats de Benghazi (Libye) en 2012 qui ont coûté la vie à l’ambassadeur américain Christopher Stevens. Hillary Clinton est  ainsi convoquée le 22 octobre 2015 à une audition publique à la Chambre des représentants, devant la commission d'enquête en charge du dossier, «soit neuf jours après le premier débat télévisé des primaires démocrates, le 13 octobre», précise l'AFP. De même, «trois commissions au Congrès, contrôlées par les républicains, mènent des enquêtes agressives et appellent les collaborateurs d'Hillary Clinton à s'expliquer».

Fatal à son image publique
En attendant, le département d’Etat rend publics, par tranches, les emails d'Hillary Clinton sur décision de justice et ce jusqu’à janvier 2016. Au point qu’il devrait renforcer ses effectifs d’une cinquantaine de personnes pour faire face à la charge supplémentaire de travail que constitue cette demande de déclassification.

L’emailgate est-il responsable de la chute d'Hillary Clinton dans les sondages? Selon une enquête du Washington Post/ABC News, rendue publique le mercredi 2 septembre, le nombre de personnes ayant une mauvaise impression est en hausse. Ce chiffre «n'avait été aussi élevé depuis avril 2008... quand la démocrate était candidate aux primaires contre Barack Obama, et sur le point de perdre», rapporte l’AFP.

D'après une autre enquête de l'Université Monmouth, publié le 8 septembre 2015 par le Wall Street Journal, l'ex-première dame est créditée de 42% des intentions de vote pour la primaire, contre 52% au mois d'août. L'affaire des emails, écrivait le New York Times en mars 2015, fait écho à la culture du secret qui est reproché au couple Clinton. La prochaine participation d'Hillary Clintion au Tonight Show de Jimmy Fallon, le 16 septembre 2015, sera (peut-être) l'occasion de redorer son blason. Pour les candidats à la présidentielle américaine, ce type émission aurait un impact positif sur l’opinion publique. 

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