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Libye : la peine de mort pour Seif al-Islam Kadhafi après un procès arbitraire

La justice libyenne a condamné à mort Seif al-Islam Kadhafi, le fils de l'ancien président libyen, pour son implication dans la répression post-révolution en 2011. La Cour pénale internationale a demandé en vain son extradition, estimant qu'il ne pouvait pas faire l'objet d'un procès équitable dans son pays. Elle continue de demander sa remise.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'écran vu par les journalistes qui assistent à l'interrogatoire de Seif al-Islam Kadhafi, qui participe par visioconférence de Zenten, lors de son procès à Tripoli le 22 juin 2014. A l'instar de ses 37 co-accusés, il est poursuivi pour son implication dans la répression qui a fait suite à la révolution de 2011 en Libye.
 (AFP PHOTO / MAHMUD TURKIA)

La Cour pénale internationale (CPI) souhaitait lui offrir un procès équitable. Le 28 juillet 2015, Seif al-Islam Kadhafi et huit anciens dignitaires du régime libyen ont été condamnés à la peine capitale par un tribunal de Tripoli au bout de 16 mois de procès.
 
Au total, 37 personnes étaient jugées depuis avril 2014 pour leur implication dans la répression meurtrière de la révolte qui a mis fin au régime de Mouammar Kadhafi en 2011. A l’instar du fils du «Guide» libyen, l'ancien Premier ministre Baghdadi al-Mahmoudi, et l'ex-chef des services de renseignements, Abdallah Senoussi, écopent aussi de la peine de mort. Ils pourront faire appel.
 
Un procès décrié par les organisations des droits de l’Homme
Seif al-Islam Kadhafi et Abdallah Senoussi font également l’objet de mandats d'arrêt de la CPI pour crimes de guerre présumés pendant la révolution libyenne. Après avoir réclamé en vain que le premier lui soit remis, l’institution judiciaire a débouté en mai 2014 la Libye qui souhaitait le juger. Elle a néanmoins autorisé les autorités judiciaires à juger le second. Le procès a été critiqué par les défenseurs des droits de l'Homme en raison des restrictions d'accès de la défense.

Interrogé par Géopolis, la CPI a tenu à préciser qu'elle «continue de demander l'arrestation et la remise à la Cour» de Seif al-Islam Kadhafi, «conformément au mandat d'arrêt à son encontre pour crimes contre l'humanité et ainsi qu’en vue de la finalité de la décision de la Chambre d'appel de la CPI sur la recevabilité de son affaire devant la CPI». Les autorités libyennes ont une obligation juridique claire de le faire», souligne l'institution qui précise que «le non-respect par le gouvernement de la Libye concernant la remise» de l'ancien responsable politique libyen «a été référée par juges de la CPI au Conseil de sécurité des Nations Unies pour que le Conseil prenne les mesures appropriées». La CPI a également rappelé son opposition à la peine capitale. Même son de cloche aux Nations unies. 
 
«L'ONU s'oppose à l'utilisation de la peine de mort en toutes circonstances. Dans ce cas, alors que les normes en matière de procès équitables n'ont clairement pas été atteintes, nous déplorons l'imposition de la peine de mort», a indiqué une porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Ravina Shamdasani, après l’annonce du verdict. «Ce procès a été jugé illégal par le propre ministre libyen de la Justice», a déclaré pour sa part à l’agence Reuters John Jones, l'avocat britannique représentant Seif al-Islam Kadhafi devant la CPI.
 
Seif al-Islam Kadhafi introuvable dans un pays divisé
Contrairement à ses co-accusés, Seif al-Islam Kadhafi n’était pas présent lors de l’énoncé du verdict. Il est aux mains de miliciens dans la ville de Zenten, d’où il a comparu trois fois par visioconférence. L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) indique qu’il n’a pas été vu depuis juin 2014. D'après la BBC, ses geôliers ne comptent ni l'exécuter ni le remettre au tribunal de Tripoli. 

La Libye est plongée dans le chaos depuis la fin de la révolution: le pays compte deux Parlements – et deux gouvernements – rivaux, l'un basé à Tripoli sous la coupe de la coalition de milices Fajr Libya, et l'autre dans l'est, à Tobrouk. Ce dernier est le seul que la communauté internationale reconnaît. Un «accord de paix et de réconciliation» a néanmoins été signé le 11 juillet 2015 au Maroc par les belligérants qui s’affrontent depuis juillet 2014.
 
«Ce procès s'est déroulé en plein conflit armé et dans un pays divisé par la guerre où l'impunité est devenue la norme», souligne Joe Stork, directeur adjoint de HRW pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. «Les victimes des graves crimes commis lors du soulèvement de 2011 méritent justice, mais elle ne peut leur être rendue que par des procédures équitables et transparentes», conclut-il.

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