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L'islamisme se nourrit de la haine de l'Occident et de la crise du monde arabe

Les attentats qui frappent les villes européennes visent à faire vaciller les démocraties occidentales. Daech comme al-Qaida rêvent de déclencher des guerres civiles, en attisant la haine en Europe. L'islamisme, une idéologie instrumentalisée par les régimes pakistanais et saoudien afin de détourner la colère d'une population victime de l’archaïsme et de l'incurie de ses dirigeants.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Combattant de Daech avec le drapeau de l'organisation djihadiste à Mossoul (Irak), le 24 juin 2014. (Reuters - Stringer)

Malgré l'affaiblissement de Daech en Irak et en Syrie, le terrorisme islamiste reste toujours menaçant, comme on pu le voir il y a quelques jours au Caire contre une église copte et lundi à Berlin sur un marché de Noël. Les islamistes sont en guerre contre tous ceux qui refusent leur idéologie religieuse.

Les mêmes appels au combat retentissent dans nombre de pays musulmans. Il ne s’agit pas simplement de migrants qui se sentent déconsidérés, humiliés, il s’agit de mouvements armés afghans, pakistanais, somaliens, nigérians, algériens, maliens, qui refusent la mondialisation occidentale au nom d’un passé riche et glorieux, en grande partie fantasmé.

L’islam politique ne séduit pas simplement des délinquants perdus en mal de reconnaissance. Parmi les recrues de Daech, on compte aussi des ingénieurs et des intellectuels. Selon eux, l’islamisme serait un projet global : spirituel, politique et social. Un projet total, pour ne pas dire totalitaire, politique et religieux. Si l’islamisme se nourrit des interventions américaines calamiteuses au Proche-Orient, il est surtout lié à l’échec des nationalismes arabes laïques incarnés par Saddam Hussein, Bachar al-Assad, Mouamar Kadhafi, Moubarak ou Ben Ali. Des régimes corrompus qui répondent mal aux besoins de leur population et la réprime durement.

Face à cet échec, un peu partout, les Frères musulmans et les autres islamistes veulent imposer leur vision du monde et la charia. L'individualisme et la liberté occidentale sont leurs ennemis. L'islam politique hait la démocratie «impie» portée par les printemps arabes. Dans ce combat idéologique, l’identité religieuse remplace la lutte des classes.  
Symptôme d’un monde arabo-musulman qui refuse d’avancer, de se renouveler. Un monde musulman moins victime de l'Occident que de son propre archaïsme et de l'incurie de ses dirigeants.

La religion comme idéologie
Les salafistes (traditionalistes) eux veulent revenir au texte, à un islam littéral, un retour spirituel et fondamentaliste prônée par le théologien du 13e siècle Ibn Taymiyya. Une vision pas seulement pour les pays musulmans mais aussi pour l'Europe, accusée d’être une société décadente et immorale. Ce retour du religieux donne le sentiment de se ressourcer, de trouver une richesse intérieure, de continuer à espérer même lorsque l’on se sent (se croit) discriminé. Mais ce repli communautariste est la porte ouverte à l’entre-soi et au fanatisme. Ce communautarisme est un piège qui rend encore plus difficile toute intégration.

Un combat contre la modernité
Boko Haram signifie «l’éducation occidentale est un péché». Au Nigeria, la secte religieuse veut soustraire les filles à «l’enseignement occidental» pour les remettre dans le «vrai chemin de l’islam». La secte nigériane place des bombes dans les églises, met des ceintures à des jeunes filles qui se font exploser sur les marchés. Les shebabs somaliens trient et tuent les étudiants qui ne sont pas capables de réciter une sourate du Coran.

Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou Ansar dine au Mali veulent instaurer un ordre politique théocratique fondé sur une stricte observation de la loi (charia) dans toute la société. Lorsqu'elle tenait le nord du Mali, la police de la moralité traquait et punissait de quarante coups de bâtons ceux qui oubliaient leur prière. Obligeait les filles à porter le niqab dès l’âge de 9 ans. Les femmes non accompagnées de leur mari ne pouvaient plus se rendre seules au marché. L’enseignement était amputé des matières non islamiques comme les mathématiques ou les langues étrangères.

Qu’un taliban refuse que les filles aillent à l’école, on se dit qu’ils en sont encore au Moyen Age. Mais pourquoi un Egyptien ou un Algérien, réputés plus modernes, voudraient-ils revenir au mariage forcé, au voile intégral et à l’assujettissement des femmes?
C’est pourquoi certains musulmans appellent aujourd’hui à une modernisation religieuse. Il faut, disent-ils, abandonner les interprétations trop littérales au profit d’une interprétation adaptée à notre époque. Même selon les oulémas de l’université Al Azhar, les djihadistes se réfèrent à un islam figé, moyenâgeux et violent qu’il faut aujourd’hui moderniser.

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