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«Objectif 1,5°C»:la mention que l’Arabie Saoudite veut bannir de l'accord climat

L'Arabie Saoudite s'est mis à dos plus d'une centaine de pays et d'ONG. Le royaume wahhabite, dont l'économie repose sur le pétrole, a réussi au nom du groupe arabe à bloquer la mention de l'objectif de 1,5°C dans le projet d'accord. Pour beaucoup de pays vulnérables au changement climatique, ce point engage leur «survie». Cependant, les ministres pourront changer la donne d'ici la fin de la COP.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Manifestation de la société civile pour l'objectif 1,5°C sur le site du Bourget, où se déroule la conférence climat, vendredi 4 décembre 2015. (Géopolis/FG)
De notre envoyée spéciale au Bourget

Mauvaise élève. Pas moins de trois "Fossil of the Day Awards" ont été attribués à l'Arabie Saoudite vendredi 4 décembre 2015. Ces prix lui ont été décernés, en marge de la COP21, par la coalition d'ONG Climate Action Network International (elle en rassemble plus de 900). Ces trophéees «distinguent» depuis 1999 ceux qui empêchent les négociations d'avancer lors des conférences climat.

Les Saoudiens, qui assurent la présidence du Groupe arabe, ont reçu l'un des prix pour avoir bloqué, au nom de leur groupe, la mention de l'objectif 1,5°C dans le projet d'accord de Paris. «L'Arabie Saoudite tente de torpiller trois ans de recherche, demandée par les gouvernements, qui démontre que l'objectif de 2° met en danger les communautés les plus vulnérables dans le monde» souligne Climate Action Network International.


L'objectif  de 1,5°C est «crucial» pour le groupe des Pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires dont certains pourraient disparaître à cause du réchauffement climatique. Ces derniers militent pour qu'une référence soit faite dans le texte final des négociations.

Tony de Brum, le ministre des Affaires étrangères des îles Marshall, menacées de submersion, a réagi au terme de la première semaine des négociations en affirmant que l'ambition de la conférence de Paris était d'aller au-delà des intérêts nationaux. «Nous nous battons ici pour ce qui est nécessaire pour la planète», a-t-il déclaré. «Les pays qui font fi de la science et de la raison devront faire face à un nombre croissant de pays et de citoyens qui appellent à ce que l'objectif de 1,5°C soit mentionné dans l'accord de Paris», a également prévenu Emmanuel M. de Guzman, chef de la délégation des Philippines auprès de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Son pays assure la présidence du Forum de la vulnérabilité climatique (CVF) qui rassemble une vingtaine de pays. 

Le Groupe arabe dans l'ombre de l'Arabie Saoudite
L'Arabie Saoudite, premier producteur de pétrole, compte bien protéger son économie à Paris. Tout objectif ambitieux de réduction des gaz à effet de serre réduirait de facto le recours aux énergies fossiles et, par conséquent, leur exploitation. «L'Arabie Saoudite est globalement contre tous les objectifs à long terme. Elle estime que l'objectif 1,5°C n'est pas scientifiquement justifié. Elle est également opposée au mécanisme de révision des INDCs (contributions nationales) prévu avant 2020», explique Safa' al Jayoussi d'IndyAct, une ONG qui travaille sur les politiques en matière de changement climatique dans le monde arabe.

IndyAct, qui appelle les pays arabes à accélérer leur transition énergétique vers le «100% renouvelable» dénonce «la façon dont les autres pays du groupe arabe s’alignent sur la position (saoudienne)». D'autant qu'à l'intérieur de cette coalition, insiste Safa' al Jayoussi, «des pays comme le Maroc et la Jordanie sont en pointe sur les énergies renouvelables». En matière de changement climatique, ajoute-t-elle, «le monde arabe est à la fois vulnérable et en capacité de produire du renouvelable». 

Mais la pression s'accroît sur l'Arabie Saoudite. En plus des ONG, les Etats aussi se mobilisent. Ainsi, 113 pays soutiennent désormais l'initiative du CVF pour la mention de l'objectif de 1,5°C dans le futur accord de Paris . En outre, les ministres qui plancheront sur le projet d'accord, remis par les négociateurs le 5 décembre 2015 à la présidence française de la COP21, ont toujours la possibilité de le réintroduire dans la version finale du document. A surveiller.

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