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Pourquoi la présidentielle française intéresse le monde entier

Avec respectivement 23,75% et 21,53% des suffrages exprimés, le candidat du mouvement En Marche !, Emmanuel Macron, et la présidente du Front National, Marine Le Pen, s'affronteront au second tour de l'élection présidentielle, le 7 mai 2017. Un face-à-face inédit qui polarise l’attention du monde, à l’instar de toute la campagne qui a déjà connu de nombreux rebondissements.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Bulletins de vote portant les noms d'Emmanuel Macron et de Marine Le Pen. Le cliché a été pris le 23 avril 2017 à Bordeaux. (CITIZENSIDE/Jean-Luc Thibault/Citizenside)

 
«Faites confiance aux Français pour rendre les choses compliquées. Le résultat du premier tour de l'élection présidentielle est un tremblement de terre politique, qui conduira certainement à la victoire du candidat du statu-quo.» C'est en ces termes que le quotidien australien The Sydney Herald Morning a commenté les résultats du scrutin. L'intérêt du monde pour l'élection française n'est pas nouveau. Il aura été constant pendant toute la campagne d'avant premier tour et le résultat du scrutin du 23 avril 2017 est une raison supplémentaire de s'y intéresser. 

La France, une grande puissance
D’abord, du fait du poids de la France dans le monde. Le New York Times rappelle dans son petit guide consacré à la présidentielle française,  A Guide to the French Vote (and How It Relates to ‘Brexit’ and Trump), que la France abrite «67 millions d’habitants, (qu'elle) est la 6e économie mondiale, (qu’elle) est membre permanent du Conseil de sécurité et (qu'elle) est une puissance nucléaire…» 

Par ailleurs, le journal américain estime que «le pays le plus visité du monde» a toujours été perçu, depuis la Révolution française, comme «un phare en matière de démocratie». Mais aux Etats-Unis, il semble que l’on soit surtout préoccupé par la propension du futur ou de la future hôte de l’Elysée «à se rapprocher de la Russie ou à affaiblir l’Union Européenne» car alors, «la politique internationale de la France changera de “façon significative”».

Même son de cloche en Grande-Bretagne où The Telegraph note que le couple franco-allemand est le pilier de l’Europe, principal débouché économique du Royaume-Uni. «Les elections françaises ont toujours eu de l’importance pour les Britanniques», souligne le quotidien anglais dans un article au titre explicite (Why does the French Presidential Election matter to the UK? – Pourquoi la présidence française revêt-elle de l’importance pour la Grande-Bretagne?). «Mais en 2017, à l’ère de Donald Trump, du Brexit et face à la montée du populisme en Europe, c’est plus que jamais le cas», peut-on lire dans le quotidien britannique.

Néanmoins, la puissance politique de la France n’explique pas à elle seule l’intérêt qui est porté à la présidentielle 2017. Le profil des candidats, notamment des favoris dans les sondages et du quatuor de tête au premier tour – Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon – sont à l’origine des différents articles parus au cours de la campagne présidentielle. «Quatre candidats aux positions manifestement différentes ont réalisé des scores à peine éloignés les uns des autres lors du scrutin du dimanche (23 avril 2017), suggérant que le combat autour de la vision de la France de demain est loin d'être terminé», constate le New York Times.
 

Bulletins de vote portant les noms des quatre favoris à la présidentielle française dont le premier tour s'est déroulé le 23 avril 2017. Le cliché a été pris le 20 avril 2017 à Golfe-Juan (Alpes-Maritimes, France).  (CITIZENSIDE/Jean-Luc Thibault )

Marine Le Pen, le spectre de l’extrême-droite à l’Elysée
Cependant, partout dans le monde, c’est la perspective d’une victoire du Front national (FN), parti d’extrême-droite anti-européen, qui génère le plus d'inquiétude. Ainsi au Royaume-Uni, d'après The Telegraph, la Première ministre britanniqueTheresa May et les négociateurs en charge du Brexit craignent qu’une victoire de Marine Le Pen crée le «chaos en Europe» et que leurs interlocuteurs, dans le cadre des négociations relatives au Brexit, soient plus que jamais sur la défensive. Au point «qu’il soit impossible de négocier dans un délai de deux ans».

Le média chinois Global Times note que la plupart des observateurs français et européens prédisent la victoire de Macron. Des experts «qui courent évidemment le même risque de faire une mauvaise prédiction, à l’instar de ce qui s'est passé lors de la présidentielle américaine».

Cependant, poursuit le journal, même en cas de victoire d’Emmanuel Macron le 7 mai 2017, il est indéniable que la «force politique de l'extrême droite (se sera) accrue au cours de sa campagne présidentielle». Et «si Marine Le Pen se transforme en cygne noir et qu’elle bat Macron, sa victoire sonnera la fin de l’Union européenne».

Le phénomène Mélenchon
L’ombre pesante de Marine Le Pen explique aussi l’engouement suscité par la campagne française, notamment la mobilisation outre-Atlantique autour de la candidature du leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Ses soutiens américains ont estimé qu’il était un candidat «progressiste», à l'instar de Bernie Sanders, prétendant malheureux à l'investiture démocrate pour la présidentielle américaine en 2016.

Le site du média vénézuélien Telesur avait alors relayé l’information à propos de la pétition portée par des intellectuels et des artistes américains, comme Mark Ruffalo ou Noam Chomsky, qui appelaient la France à ne pas «rééditer la tragédie» de l’élection de Donald Trump en novembre en 2016 et les Français à ne pas être réduits à choisir entre «le libéralisme corporatiste et le populisme xénophobe».


Pour les soutiens américains de Mélenchon, il était par conséquent impératif de faire front «derrière le candidat de gauche le mieux placé dans les sondages». La percée de Jean-Luc Mélenchon a été l’un des derniers épisodes d’une campagne française pleine de rebondissements qui a tenu la planète en haleine depuis plusieurs mois.

L'affaire Fillon
L’un des plus importants aura été l’affaire Filllon. Le candidat de la droite française François Fillon a été finalement mis en examen en mars 2017 pour détournements de fonds publics après avoir fait l’objet pendant plusieurs semaines de soupçons d’emplois fictifs de son épouse et de ses enfants. Des révélations qui ont valu au candidat Les Républicains (LR) d’être comparé à «un dictateur africain» par Ledjely.com, un media guinéen.

«(François) Fillon, c’était le pari du retour des valeurs républicaines. Sauf qu’avec tout ce qu’on sait désormais de son passé et de son caractère, on semble s’être trompé. Parce qu’en réalité, François Fillon est plus proche des dictateurs africains auxquels la France sous son magistère pourrait essayer de donner des leçons.» L’histoire retiendra que c’est la droite française portée par François Fillon qui a été exclue du premier tour de la présidentielle. Une première sous la Ve République.


Emmanuel Macron, le leader du mouvement En Marche!, au soir de sa victoire au premier tour de la présidentielle française le 23 avril 2017, à Paris. 

 (CITIZENSIDE / Francois PAULETTO / Citizenside)

La révélation Macron
De même, tout au long de la campagne, la montée en puissance de la nouvelle figure de la politique française, Emmanuel Macron, n’est pas passée inaperçue. «Il n'a pas quarante ans, n'a jamais été élu, et se dit au-dessus des partis, ni de droite ni de gauche. Et pourtant, Emmanuel Macron est aujourd'hui un des favoris à l'élection présidentielle française», résumait le site de Radio Canada en février 2017.

Le média canadien constate au passage qu'Emmanuel Macron, qui a d'ailleurs reçu un appel du prédécesseur de Donald Trump, s'est inspiré de la méthode Obama pour sa campagne. «Sa stratégie électorale est calquée sur celle de Barack Obama et s’appuie sur l’aide de milliers de jeunes bénévoles, très actifs sur les réseaux sociaux (…). Moins d’un an après sa création, son mouvement politique revendique 170.000 adhérents, davantage que le parti socialiste.»

«A tout autre moment au cours des 50 dernières années, ajoute Radio Canada, sa candidature aurait été écrasée par l'un des principaux partis du pays. Leurs candidats ont toujours marché au deuxième tour. Cette année, ces partis s'effondrent devant les yeux de l'électorat.» Le premier tour de la présidentielle française a acté le désaveu des principales formations politiques françaises.

«Les deux partis majeurs du pays (Les Républicains et le Parti socialiste, NDLR), qui ont partagé le pouvoir pendant plus de trois décennies, ont gagné à peine un quart des suffrages exprimés», conclut The Sydney Morning Herald.

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