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Produits alimentaires périmés: des réseaux de faussaires à l'œuvre en Afrique

Le trafic de denrées alimentaires périmées a atteint des sommets sur le continent. Les saisies effectuées dans plusieurs capitales africaines ne découragent pas les trafiquants. Loin de là. C’est le cas au Togo, comme l’explique à Géopolis le pasteur Komi Edoh Kossi. Le président du Mouvement Martin Luther King dénonce «un réseau de faussaires» protégés par des complices haut placés.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Dans un supermarché d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. 16 tonnes de produits périmés ont été incinérés en décembre 2016 à Bouaké, dans le nord du pays.
 (AFP/Issouf Sanogo)

Tous les moyens sont bons pour gagner de l’argent malgré les risques sanitaires pour les consommateurs des produits périmés. Au Togo, c’est une richissime commerçante qui a défrayé la chronique en mars 2017.
 
Arrêtée par la police après avoir été dénoncée à plusieurs reprises par les associations de consommateurs, elle est considérée comme la pièce-maîtresse d’un réseau de faussaires qui opèrent sur l’ensemble du territoire. Elle écoulait des tonnes de vivres, comme des pâtes alimentaires, des boîtes de conserve, des oléagineux, du lait et des boissons de toutes sortes, d’origine douteuse.
 
«Nous avons été déçus par la faible peine infligée à cette dame. Malgré tout le mal qu’elle a fait aux Togolais, elle n’a été condamnée qu’à six mois de prison dont quatre avec sursis. Même en prison, elle narguait tout le monde. Nous allons contester ce jugement», annonce le président du Mouvement Martin Luther King.
 
Le pasteur Komi Edoh Kossi dirige le Mouvement Martin Luther King. Il dénonce un «réseau de faussaires» entretenus et protégés par des hauts placés. (Photo/Mouvement Martin Luther King)

De fausses étiquettes pour tromper le consommateur
Le pasteur Edoh Komi explique à Géopolis que ce trafic s’opère avec la complicité des supermarchés. Les produits invendus étaient confiés à «Dame Josée» qui les emballait avec de nouvelles étiquettes qu’elle fabriquait elle même, avant de les remettre sur le marché. Pour lui, un tel réseau de faussaires ne peut fonctionner sans bénéficier «d’une protection et de complices hauts placés».
 
«On ne peut pas imaginer que cette forfaiture soit commise, au vu et au su de tout le monde, sans que la personne concernée ne soit pas mise hors d’état de nuire. Il a fallu claironner tellement fort pour qu’elle ne reste pas impunie. Il y a vraiment une complaisance vis-à-vis de ce trafic.»
 
Ce trafic juteux, qualifié de véritable crime par le pasteur Edoh Komi, n’est pas l’apanage du Togo. Il touche de nombreux autres pays sur le continent.
 
Des produits périmés à des prix défiant toute concurrence
Des produits alimentaires périmés et impropres à la consommation prolifèrent aussi au Maroc. Là bas, le Bureau central d’investigations judiciaires a dû tirer la sonnette d’alarme après l’arrestation il y a deux semaines dans la ville de Fès, dans le centre du pays, d’un propriétaire d’une société spécialisée dans la vente en gros de produits alimentaires. Il écoulait de grandes quantités de produits de consommation périmés à des prix défiant toute concurrence.
 
«Il les stockait dans de mauvaises conditions d’hygiène dans l’entrepôt de sa société pour ensuite modifier les dates de péremption, dans le but de revendre le tout comme si de rien n’était», précise le Bureau central d’investigation judiciaires qui dénonce un véritable danger public.
 
Dans ses locaux, plusieurs tonnes de produits alimentaires ont été saisies, de même que deux machines et des étiquettes vides destinées à la falsification des dates de péremption.
 
Des numéros verts pour dénoncer des cas suspects
Au Burkina, les autorités sanitaires ont mis à la disposition des consommateurs des numéros verts pour dénoncer des cas suspects de produits périmés. Le contrôle «spécial ramadan» effectué par les services de la répression des fraudes a permis la saisie de divers produits périmés qui vont être détruits.
 
Au Togo, comme au Burkina ou au Maroc, les associations de consommateurs ont du mal à faire entendre leurs voix pour stopper ce fléau qui menace la santé de la population. Elles manquent de moyens pour agir et restent désarmées face à des réseaux très bien organisés.
 
«Il faut faire extrêmement attention quand vous dénoncez des choses comme ça. Parce que vous mettez aussi votre vie en danger. Ce sont des affaires de gros sous, de gros intérêts. On vous suit de près. Des fois, on vous appelle et on vous menace», explique le pasteur Komi Edoh Kossi.
 
Des supermarchés pour produits périmés?
En mai 2017, un magasin de Sydney, en Australie, avait inauguré un supermarché de produits périmés. Des produits a priori périmés, mais qui ne sont pas encore impropres à la consommation. Ils sont proposés à très bas prix ou même gratuitement pour les moins fortunés. Ce qui évite de les voir terminer leur course dans la poubelle.
 
Le Togo et d’autres pays africains pourraient-t-ils s’inspirer de cette expérience? Le pasteur Komi Edoh Kossi n’y croit pas du tout.
 
«Vous savez, en Afrique, dès qu’on va ouvrir cette vanne, les gens vont en faire une jurisprudence. C’est un couteau à double tranchant. Tout le monde va s’engouffrer dans la brèche pour vendre tout et n’importe quoi. Cela risque de faire tache d’huile et pousser beaucoup de personnes à s’y mettre sans qu’on puisse faire le moindre contrôle», redoute-t-il.
 
Le président du Mouvement Martin Luther King n’entend pas baisser les bras face à ce «commerce criminel». Il appelle les consommateurs togolais à redoubler de vigilance et à soutenir les associations qui luttent contre ce fléau. 

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