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La Silicon Valley en Afrique: certains craignent une «cyber-colonisation»

Facebook et Google ont jeté leur dévolu sur le Nigeria, plus précisément sur la Yabacon Valley, la Silicon Valley locale, située à Yaba, le quartier high-tech de la bouillante capitale économique Lagos. Pour promouvoir l'innovation et l'entrepreneuriat auprès d'une jeunesse africaine de plus en plus connectée, les deux géants américains ont en ligne de mire le continent entier.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le selfie du PDG de Facebook Mark Zuckerberg avec le président nigérian Muhammadu Buhari (au centre) en 2016, à Abuja. (Sunday AGHAEZE / AFP)

Le marché africain du numérique, vaste et non régulé, aiguise de plus en plus l'appétit de l'industrie numérique californienne. Pour cette dernière, l'Afrique est même devenue une priorité, bien au-delà des 180 millions de Nigérians.

«Il y a clairement une opportunité pour les entreprises comme Facebook et Google de s'installer et d'imposer leur marque sur le sol» africain, explique Daniel Ives pour GBH Insights, un cabinet de conseil basé à New-York.

«Si vous regardez Netflix, Amazon, Facebook, Apple, où peuvent-ils encore croître? Il faut viser l'international», souligne ce chercheur en technologies.

La prochaine explosion démographique en Afrique fait saliver la high-tech américaine
Pour preuve, l'annonce en juin 2018 du lancement à l'automne du premier laboratoire d'intelligence artificielle par Google au Ghana, pays qui abrite l'un des nombreux «tech hubs» créés ces derniers mois sur le continent.

La perspective d'une explosion démographique en Afrique dans les trente prochaines années aimante encore davantage les sociétés d'outre-Atlantique. Actuellement, la population africaine représente environ 1,2 milliard de personnes, dont 60% sont âgées de moins de 24 ans. Un chiffre qui devrait doubler d'ici à 2050, selon les Nations Unies.
 
L'incubateur de Facebook au Nigeria n'en est qu'à ses balbutiements, mais le groupe a promis de former 50.000 personnes à travers le pays afin de «leur donner les connaissances en numérique nécessaires pour réussir». En échange, avec déjà 26 millions d'utilisateurs au Nigeria, il compte bien poursuivre son expansion et tester de nouvelles stratégies.

Une situation qui n'effraie pas les autorités d'Abuja. «On veut que les prochains Zuckerberg soient nigérians», affirme ainsi à l'AFP le conseiller du gouvernement pour l'innovation et l'entrepreneuriat, Ife Adebayo.
 
L'évocation d'une cyber-colonisation
Cependant, alors que les nouvelles technologies gagnent du terrain, les gouvernements africains sont de plus en plus sous pression pour mieux réguler le secteur et protéger les données personnelles.

Les législations encadrant la vie privée restent quasi inexistantes dans de nombreux pays du continent, contrairement à l'Europe qui a récemment adopté un texte pionnier, le Règlement général sur la protection des données.

Après le scandale Cambridge Analytica, dans lequel Facebook a été mis en cause pour avoir permis l'utilisation des données de millions d'utilisateurs à des fins politiques lors de l'élection présidentielle au Kenya au printemps 2018 ou celle de 2016 aux Etats-Unis, des ONG craignent que l'Afrique ne devienne le nouveau terrain de jeu d'entreprises sans scrupules.

Des critiques mettent en garde contre une «cyber-colonisation».

La protection de la vie privée sur Internet loin d'être assurée en Afrique
«Cela pourrait aggraver les inégalités Nord-Sud» si ces deux régions n'adoptent pas les mêmes régulations, selon Global Justice Now, une ONG installée à Londres.

Des inquiétudes partagées par Renata Avila, chercheuse à la World Wide Web Foundation, organisme situé à Genève qui milite pour l'égalité numérique.
«Le message  que l'on entend actuellement – est que l'Afrique a besoin d'investissements et qu'elle a besoin de développer ces industries (numériques NDLR) (...). Mais cela reste très peu contrôlé, dit-elle. (...) Le développement ne devrait pas être incompatible avec la protection de la vie privée.»

«Les gouvernements et les sociétés civiles doivent être conscients du fait que les données personnelles sont le pétrole du XXIe siècle», conclut dans une interview à Géopolis, Archippe Yepmou, président de l'ONG Internet sans Frontières.

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